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La mesure, du reste, était habile ; les Canadiens, séparés des Américains par la langue, la religion et les souvenirs, n’auraient pu passer à la révolte que si on les avait opprimés. Maîtres de leurs droits, ils demeuraient fidèles à l’Angleterre. Et, par un résultat bizarre d’apparence, et juste au fond, il n’y eut que les Français conquis qui restèrent fidèles à la métropole. L’Angleterre ne garda en Amérique que ceux de ses sujets dont elle avait respecté les droits.

Tous ces bills passèrent à des majorités considérables. Il y eut cependant plus d’une protestation. « J’ai vos mesures en horreur, s’écria le colonel Barré ; vous avez déjà une réunion des colonies en congrès ; vous en aurez bientôt une autre. Les Américains n’abandonneront pas leurs principes ; s’ils cèdent, ils sont esclaves[1]. » Barré connaissait l’Amérique ; on ne l’écouta pas plus que Burke ; c’était une de ces heures fatales où l’on ne veut entendre que la passion.

Le 10 mai 1774, le jour même où mourait Louis XV, où arrivait au trône un prince honnête homme, qui loin d’accepter l’héritage de honte que lui laissait son aïeul, devait relever la France et la venger de la perte du Canada et des Indes en affranchissant l’Amérique, ce jour-là même, le bill du port de Boston parvenait au Massachusetts.

On convoqua aussitôt un meeting à la salle Faneuil. La situation devenait de plus en plus difficile ; trois ou quatre milliers de marchands et d’ouvriers, c’était là le

  1. Bancroft, Amer. Rev., III, 582.