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ble que vous vouliez résolument vous perdre, si votre folie n’était votre excuse. En acceptant le bill qui ferme le port de Boston, j’ai résisté à la violence américaine, au risque de perdre là-bas ma popularité. C’est au même risque que je résiste aujourd’hui à votre fureur[1].

« Vous changez de terrain, dit-il encore aux ministres ; vous devenez les agresseurs, vous infligez le plus cruel outrage aux Américains, en les soumettant à la merci du soldat. Je sais l’immense supériorité que vos troupes disciplinées auront sur des provinciaux ; mais prenez garde que le désespoir ne supplée à la discipline. Au lieu de leur envoyer la branche d’olivier (j’entends par là le rappel de toutes ces mesures inutiles pour vous, oppressives pour eux), vous leur envoyez l’épée nue. Demandez leur concours de façon constitutionnelle, ils vous donneront tout ce qu’ils peuvent donner. Lorsque vous les avez mis régulièrement en demeure, ils ne vous ont jamais rien refusé. Vos procès-verbaux constatent vos remerciements pour le zèle avec lequel ils ont contribué aux besoins de l’État. Quelle folie vous pousse à essayer d’emporter de force ce que, certainement, vous pouvez obtenir par simple réquisition. En les flattant, vous pouvez tout en espérer ; mais ne les menacez pas, ils vous ressemblent trop pour céder. Ayez quelque indulgence pour votre sang ; respectez cette solide vertu anglaise ; rétractez cette odieuse parade d’autorité, et rappelez-vous que le premier pas pour faire contribuer les colons à vos dépenses, c’est de les réconcilier avec votre gouvernement[2]. »

On remarqua qu’en présentant une mesure aussi contraire à toutes les idées anglaises, lord North tremblait et bégayait à chaque mot. Il obéissait à une volonté plus forte que la sienne. Mais, autour de lui, on n’hé-

  1. Hazljtt, Eloquence of the British Senate, I, 107.
  2. Bancroft, Amer. Rev., III, 581.