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core aux sentiments religieux des colons. Chez eux la religion était la mère de la liberté.

Presque tous les colons étaient protestants ; et tout protestantisme, quand il n’a pas dégénéré en une orthodoxie morte, est fondé, plus ou moins visiblement, sur la liberté et la responsabilité propre du chrétien. Chacun fait son salut ou se damne à ses risques et périls ; il n’y a point l’intermédiaire d’une Église qui vous assure le Ciel en échange de l’obéissance et de la résignation.

Dans le nord de l’Amérique, dans la Nouvelle-Angleterre, la religion était le puritanisme sous des formes diverses. Les colons étaient des dissidents, c’est-à-dire des hérétiques qu’en Angleterre la loi frappait d’incapacité politique. La signature des trente-neuf articles et le test étaient deux barrières qui fermaient les Chambres et l’administration à quiconque ne s’avouait pas membre de l’Église établie. Les émigrants se savaient jalousés par les évêques, et, à ce titre, ils n’avaient qu’un faible amour pour une métropole dont ils craignaient l’inimitié religieuse. De leur côté, les évêques anglicans regardaient les dissidents d’Amérique comme des enfants égarés qu’on pouvait souffrir au désert pendant quelque temps, mais ils espéraient bien qu’un jour viendrait où ces brebis perdues rentreraient dans le giron de l’Église d’Angleterre. Ce qui faisait dire à Whitefield que les évêques s’imaginaient trop facilement qu’une société, qui s’était établie pour propager l’Évangile, n’avait été instituée que pour propager l’épiscopat[1]. C’était

  1. Hinton. Hist. of the U. S., p. 183.