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les sheriffs étaient choisis par le gouverneur, et en certains cas révoqués par lui, sans la sanction ni l’aveu du conseil.

C’était déchirer une charte, sous l’empire de laquelle une province avait été peuplée ; c’était supprimer la constitution sous laquelle le peuple avait grandi ; c’était menacer toutes les colonies dans une seule. Pour approuver ce coup d’État, on trouva des légistes ; par malheur on en trouve toujours. À leur tête était le grand lord Mansfield, un de ces oracles judiciaires qui ne cherchent jamais dans les lois qu’une arme pour le pouvoir et contre la liberté.

« Ce qui s’est passé à Boston, dit-il, est un acte patent de trahison, dû à notre faiblesse et à notre imprudence. Néanmoins, c’est l’événement le plus heureux qui puisse nous arriver, car maintenant nous pouvons tout réparer. L’épée est tirée, il faut jeter le fourreau. Faites passer le bill, et vous aurez passé le Rubicon. Boston se soumettra, et vous aurez une victoire sans carnage[1]. »

O folie de la métaphore ! C’est avec de grands mots militaires, qu’un vieillard, un magistrat, poussait la Chambre à une mesure injuste et violente. Une charte est un contrat : de quel droit une des parties pouvait-elle le violer ?

À cette objection, il est vrai, lord North avait trouvé une réponse : « Nous avons, disait-il, le droit de détruire la charte des Américains, parce qu’ils en abusent ; nous avons le droit de les gouverner parce qu’ils

  1. Bancroft, Amer. Rev., III, 594.