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ni des résolutions populaires, ni des harangues populaires, ni des acclamations, ni du bruit, qui décideront de cette affaire. Voyez la fin. Voyez le but. Pesez toutes choses, considérez sérieusement la chose avant de prendre des mesures qui amèneront sur ce pays le plus terrible conflit qu’il aura jamais vu[1].

« Nous avons mis la main à la charrue, lui cria une voix, nous ne reculerons pas[2]. »

La réponse du gouverneur arriva ; c’était un refus. Aussitôt le meeting se sépara ; mais, au moment même, deux ou trois bandes d’hommes déguisés et peints en Mohicans abordèrent les vaisseaux de la Compagnie. En trois heures, on en tira 340 caisses qu’on brisa, et on jeta le thé à la mer ; il y en avait pour une valeur de plus de 18 000 livres sterling (450 000 francs).

« Tout a été conduit avec grand ordre, grande décence et parfaite soumission au gouverneur, » écrivait John Adams. On peut trouver que la dernière phrase est de trop.

Des milliers de spectateurs assistaient à cette exécution ; après quoi on se dispersa tranquillement sans avoir outragé personne. C’était l’obéissance à un mot d’ordre, cette sagesse populaire qui est d’autant plus effrayante qu’on sent qu’un seul mot va déchaîner l’orage.

Personne ne se faisait illusion sur la gravité d’un pareil acte ; c’était plus qu’une désobéissance formelle, c’était une insulte à l’Angleterre, le gant jeté à la mère patrie. C’était une révolution. C’est ainsi qu’on le

  1. Bancroft, III, 538.
  2. Pitkin, I, 264.