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publiques, pour amener des mesures publiques[1]. » Bancroft fait à ce sujet une observation aussi vraie que profonde : « Si ces lettres eussent donné la preuve d’une conspiration contre le roi ou ses ministres, quel honnête homme n’eût communiqué ces pièces au secrétaire d’État ? Conspirer contre l’Amérique afin de la soumettre au régime militaire et de lui enlever ses libertés n’était pas un crime moins odieux[2]. » Si l’on prouvait que Franklin n’a eu communication de ces pièces que par des moyens illégaux ou déloyaux, sans doute il serait coupable ; mais si le hasard les avait mises dans ses mains, il avait, selon moi, le droit et le devoir de s’en servir pour sauver son pays.

C’est ce qu’il fit ; il envoya ces lettres au président de la chambre des représentants du Massachusetts, en lui dénonçant les traîtres, en insistant pour que les lettres ne fussent ni imprimées, ni publiées, mais communiquées seulement à un petit nombre de personnes. C’est à cette condition, paraît-il, qu’on lui avait communiqué les originaux[3].

Cette réserve fut sans effet ; Franklin, qui connaissait les hommes, n’y pouvait guère compter. Samuel Adams lut ces lettres à l’assemblée, confidentiellement, il est vrai ; mais une confidence faite à cent-six représentants n’est pas un secret facile à garder ; aussi, quelques jours plus tard, l’assemblée, après avoir mis le gouverneur en demeure de se justifier, fit-elle imprimer

  1. Franklin’s, Works, I, 217.
  2. Bancroft, III, 482.
  3. Lord Mahon, V, 339.