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soit rompu[1]. » C’est toujours pour le bien des peuples qu’on les dépouille de leurs droits, et cependant ils sont ingrats !

Ce qui ajoutait à la gravité de ces insinuations, c’est qu’en 1769, en un temps où la presse ne faisait que de naître, où les communications entre l’Angleterre et les colonies étaient rares et difficiles, c’est par les gouverneurs que la métropole connaissait la situation des colonies. Elle n’avait pas ces moyens de contrôle qui, aujourd’hui, déchargent les gouvernements de leurs soucis les plus lourds. La presse est un thermomètre qu’on peut regarder à toute heure, dans les pays libres, et qui donne le degré de l’opinion. En 1769, on n’en était pas là. Il fallait voir par les yeux des agents royaux aux colonies. Les lettres d’Hutchinson expliquent les préjugés et les résistances du gouvernement anglais.

Que devait faire Franklin de ces lettres dont on avait effacé l’adresse ? Lord Mahon soutient aujourd’hui qu’il ne devait pas s’en servir ; c’est aussi l’opinion de lord John Russell dans ses Mémoires de Fox[2], Ces lettres, disent-ils, étaient confidentielles et adressées à un particulier ; les publier, c’était un abus de confiance. Malgré ces grandes autorités parlementaires, j’avoue que je ne puis partager cet avis ; je ne vois pas que la justice ait de pareils scrupules, « Ce n’était pas des lettres privées écrites entre amis, a dit Franklin ; c’étaient des lettres écrites par des officiers publics à des personnes

  1. Lord Mahon, V, 338 ; Bancroft, Amer. Rev., III, 511 ; Parton, Life of B. Franklin, I, 560 et suivantes.
  2. Tome I, livre iii.