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pour les en punir. Quand une révolution est achevée et consolidée, tous ces principes de liberté sont inutiles ; que dis-je ! ils sont odieux et abominables.

« IV. De quelque façon pacifique que vos colonies se soient soumises à votre gouvernement, quelle que soit l’affection qu’elles aient pour vos intérêts, quelle que soit la patience avec laquelle elles aient supporté leurs souffrances, supposez toujours qu’elles veulent se révolter, et traitez-les en conséquence. Établissez chez elles des troupes qui, par leur insolence, provoquent l’émeute et la répriment ensuite avec des balles et des baïonnettes. Par ce moyen, de même qu’un mari jaloux qui maltraite sa femme, vous pourrez, avec le temps, changer vos soupçons en réalité.

« V. À des provinces éloignées il faut des gouverneurs et des juges, qui représentent le roi et exercent son autorité par délégation. Vous autres, ministres, vous savez que la force du gouvernement dépend de l’opinion du peuple, et que cette opinion dépend beaucoup du mérite de ceux qui gouvernent. Si vous envoyez aux colonies des gens sages et honnêtes, qui étudient l’intérêt de la plantation et en favorisent la prospérité, les planteurs croiront que le roi est bon et sage, et qu’il désire le bien-être de ses sujets. Si vous envoyez des juges instruits et droits, les colons croiront que le roi est ami de la justice. Évitez cela.

« Mais si vous trouvez des prodigues qui ont ruiné leurs affaires, des joueurs qui ont tout perdu au tapis vert ou à la Bourse, voilà qui fera d’excellents gouverneurs ; vous aurez là des gens rapaces qui provoqueront le peuple par leurs extorsions.

« Joignez-y des avocats de cours d’assises, des légistes ignorants, entêtés et insolents, tout sera pour le mieux.

« VI. Si l’opprimé se plaint, punissez-le par de longs délais, d’énormes dépenses, et un jugement rendu au profit de l’oppresseur.