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« Un ancien sage s’estimait en ceci que, s’il ne savait pas jouer du violon, il savait du moins comment d’une petite cité on en fait une grande. Le secret que je veux propager, moi qui ne suis ni ancien, ni sage, est le contraire de ce qu’enseignait ce vieux Grec. Je m’adresse à tous les ministres qui ont de grands territoires à gouverner, ce qui est très-fatigant, car la multiplicité des affaires ne laisse pas le temps de jouer du violon.

« I. D’abord, messieurs, il faut considérer qu’un grand empire, comme un grand gâteau, est plus facile à entamer par les bords. Occupez-vous donc, en premier lieu, de vos provinces les plus éloignées ; celles-là perdues, le reste viendra tout naturellement.

« II. Pour que cette séparation soit toujours possible, ayez bien soin que les provinces ne soient jamais incorporées à la mère patrie ; ne leur donnez ni le droit commun, ni les privilèges de votre commerce ; gouvernez-les par des lois plus sévères et faites par vous ; ne leur accordez aucune part dans la nomination des législateurs. En observant strictement cette distinction, vous agirez (permettez-moi de continuer ma comparaison ) comme un sage fabricant de pain d’épices, qui, pour faciliter la division, coupe la pâte au point où, une fois cuit, chaque morceau doit casser naturellement.

« III. Peut-être ces provinces éloignées ont-elles été acquises ou conquises aux seuls risques des planteurs ou de leurs ancêtres, sans l’aide de la mère patrie. Peut-être même ont-elles contribué à la force de la métropole en lui fournissant des soldats, à son commerce et à sa marine en lui fournissant un marché ; peut-être qu’à ce titre ces provinces se croient quelque droit à la faveur de la mère patrie ? Oubliez tout, ou plutôt regardez ces services comme une injure qu’on vous a faite. Si les habitants sont des wighs zélés, amis de la liberté, nourris dans les principes de la révolution, rappelez-vous tout cela, mais pour tourner contre eux de pareils sentiments et