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Ainsi grandissait peu à peu une force terrible, quand on apprit en Amérique, au mois de juin 1773, que lord Hillsborough, secrétaire d’État, venait d’être remplacé par lord Darmouth.

Lord Darmouth, le bon lord Darmouth, comme on l’appelle toujours, même parmi ses adversaires (il n’avait pas d’ennemis), était un homme de grande vertu et de grande piété. Ennemi de la violence, il désirait que le roi régnât sur le cœur de ses peuples, et croyait, un peu trop aisément peut-être, que les bonnes intentions suffisent pour gouverner les hommes. C’était, disait-on, le modèle que Richardson avait eu devant les yeux en écrivant son Grandisson, cette vertu si parfaite, qu’on n’en peut lire l’histoire sans en mourir d’ennui.

L’assemblée du Massachusetts lui écrivit aussitôt pour lui dire combien on se réjouirait du rétablissement de la bonne harmonie entre la métropole et les colonies ; mais, ajoutait la lettre, « si Votre Seigneurie a la bonté de nous demander quel est le moyen de rétablir cette harmonie tant désirée, nous lui répondrons en un mot : notre avis est qu’il faut rétablir les choses sur le pied où elles étaient avant la dernière guerre[1] (c’est-à-dire avant 1763). »

Le conseil était sage ; par malheur, le ministère anglais et la nation même s’étaient trop avancés pour reculer. Un changement de ministres était un changement de personnes, et non point de politique.

  1. Pitkin, I, 257.