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Otis avait été en 1763 le chef du parti, par son fameux discours sur les writs of assistance ; son talent et son éloquence l’avaient longtemps maintenu au premier rang ; encore bien que la mobilité de son esprit et la crainte légitime de lancer son pays dans l’inconnu lui eussent souvent dicté des ménagements qu’on taxait de faiblesse ; il est beau pourtant de craindre pour son pays. Mais en 1769, lorsqu’on publia des lettres du gouverneur Bernard et des commissaires de douanes, lettres adressées au gouvernement d’Angleterre, et qui accusaient Otis de trahison, Otis ayant protesté contre cette cabale par une lettre publique fut attaqué le lendemain dans un café, par Robinson, un des commissaires de douane ; il reçut à la tête une blessure si grave, que sa raison en fut altérée.

Depuis lors, il ne fut plus que l’ombre de lui-même ; son esprit, naturellement excitable, comme celui de tout orateur, n’eut plus qu’une flamme passagère. Toujours noble et grand dans ses moments de lucidité, il ne voulut pas se venger, croyant qu’on ne guérit pas de pareils attentats avec de l’argent, et alors que le jury lui eût accordé 2 000 livres sterling de dommages-intérêts, somme énorme pour la colonie, il fit grâce du payement à Robinson, en échange d’une lettre d’excuses.

En 1770 la ville de Boston lui vota des remercîments publics pour le zèle indomptable et le dévouement patriotique dont il avait fait preuve depuis le commencement de la querelle avec l’Angleterre ; mais cet hommage mérité ne pouvait lui rendre la santé.