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se livraient à ce commerce interlope et fructueux. Franklin calculait qu’il y avait en Amérique un million de personnes qui prenaient du thé deux fois par jour ; il n’évaluait pas cette dépense à moins de 12 millions 500 000 francs par an ; tout ce commerce échappait à l’Angleterre ; les thés de la Compagnie des Indes pourrissaient dans les magasins, et, en l’année 1772, les douanes américaines avaient rapporté pour le thé 85 livres sterling (2 125 fr.)[1]. Voilà ce que coûtait à la métropole son entêtement ; c’est pour cela qu’elle entretenait à grands frais des troupes, une marine et des commissaires en Amérique. Elle avait voulu atteindre les planteurs dans leur intérêt non moins que dans leur orgueil ; c’était dans son intérêt que les planteurs l’attaquaient avec une persévérance et une unanimité que le temps ne lassait point.

Si, durant ces trois années, l’Angleterre n’eut point à s’inquiéter de l’Amérique, il s’en faut de beaucoup cependant que l’Amérique fût tranquille. Tout se préparait à la résistance armée. Les esprits les plus calmes, les gens les plus sensés, Washington, par exemple, commençaient à désespérer d’une paix durable avec la métropole. En Virginie comme au Massachusetts, on s’habituait de jour en jour à l’idée d’une séparation.

À Boston surtout, il y avait un homme qui, dès le premier jour et au milieu même des espérances de réconciliation qui avaient suivi le bill de 1770, regardait la lutte comme inévitable et prochaine, c’était Samuel Adams. Il était l’âme de la révolution.

  1. Franklin, Works, I, p. 224.