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droite trois pas en avant de sa jambe gauche, roulant des yeux enflammés et remuant son énorme corps, a enfin ouvert la bouche. »

Mais une fois cette bouche ouverte, il faut rendre cette justice à lord North, qu’il savait saisir le côté ridicule de ses adversaires, et mettre les rieurs de son parti. Cela lui était d’autant plus aisé qu’il était l’homme le plus flegmatique et le plus placide de son temps. Rien n’émouvait cette masse énorme ; et tandis que ses adversaires (et quels adversaires, Fox, Burke, Barré, et plus tard le jeune Pitt !) le dénonçaient comme coupable des plus criminels attentats, il s’endormait paisiblement ; il fallait que ses voisins lui donnassent des coups de coude pour le tenir éveillé, et ils n’y réussissaient pas toujours.

Quelques-unes de ses réponses nous sont restées, et prouvent la douceur de son caractère et la finesse de son esprit. Fox, en 1778, l’accusa de n’aimer que l’indolence et les flatteries. « Permettez, lui dit lord North, je passe une grande partie de ma vie à la Chambre ; il me semble qu’on ne m’y laisse guère oisif, et assurément on n’y me flatte pas. »

Dans un discours violent, un membre le désigna par cette expression peu polie : « Cette chose qu’on appelle un ministre. » — « Certes, dit lord North en portant ses mains sur ses larges flancs, je ne suis pas une belle chose ; l’honorable membre, en m’appelant cette chose, a dit vrai ; je ne peux pas lui en vouloir. Mais quand il a ajouté : « Cette chose qu’on appelle un ministre, » il m’a appelé celle de toutes les choses qu’il désire le