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nocents, pour dépouiller les colons d’un des droits les plus sacrés du citoyen anglais, le jugement par jurés.

Dans un langage prophétique, Burke s’opposa à cette incroyable proposition. Il rappela que le duc d’Albe demandait aussi les têtes des principaux traîtres pour en finir avec les Pays-Bas, et il ajouta :

« Si les mesures que vous prenez ne sont pas de nature à apaiser les Américains, si elles sont faites pour les exaspérer, vous levez sur l’ennemi une arme qui se retournera contre nous. Et pourquoi en agissez-vous ainsi ? Parce que, dites-vous, vous ne pouvez vous confier à un jury d’Amérique. Voilà une parole qui devrait terrifier toute âme sensible. Si dans un peuple de deux millions d’âmes vous n’avez point de partisans, changez votre plan de gouverner, ou renoncez pour jamais à vos colonies[1]. »

Burke avait raison. Au lieu d’intimider les colonies, cette mesure ne fit que les exalter et les unir. Dès le mois de mai 1769, l’assemblée de Virginie s’éleva contre le droit de transportation judiciaire, qui prive l’accusé de ses juges naturels, de sa liberté et de ses témoins.

L’assemblée rédigea une pétition au roi, où elle s’exprimait avec non moins de chaleur que de raison. Après avoir nié la constitutionnalité d’un acte semblable, elle ajoutait :

« Qu’elle sera déplorable la situation d’un malheureux Américain qui aura encouru le déplaisir de quelque personne au pouvoir ! Arraché à son pays, à sa famille, à ses amis, on le jette en prison, non pas pour y attendre le verdict d’un jury,

  1. Lord Mahon, t. V, p. 251.