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l’armée américaine, poussée à bout par l’ingratitude du Congrès, a voulu se mettre aux ordres de son chef ; mais ce chef était Washington. Il avait à la fois trop de bon sens pour ne pas reconnaître la folie d’un pareil désespoir, et trop de noblesse dans l’âme pour vouloir être autre chose que le premier citoyen d’un peuple libre. Par son désintéressement, Washington ressemble aux héros de la Grèce et de Rome ; par sa parfaite intelligence de la liberté, c’est le premier homme des temps modernes. Il a compris que la liberté était la loi de l’avenir ; il en a vu la force et la fécondité. Aveuglés par notre fausse éducation, nous ne sentons pas la grandeur d’un pareil caractère ; la sagesse a pour nous quelque chose de mesquin, la modération quelque chose de bourgeois : nous aimons l’excès en toute chose, dans la parole comme dans l’action. Étudions l’Amérique et sa merveilleuse croissance, peut-être finirons-nous par comprendre que Washington, Franklin, Hamilton et leurs amis étaient de véritables grands hommes ; car cette prodigieuse fortune de la patrie, ils l’ont prévue, ils l’ont préparée, c’est leur œuvre. Ce n’est pas seulement à l’Amérique, c’est au monde qu’ils ont donné la liberté. Quel empire a duré autant que cette république établie par des planteurs et des marchands ? Quelle monarchie du vieux continent a résisté à de plus rudes épreuves et peut se croire assise sur de plus solides fondements ?

J’ose croire que la lecture de cette Histoire de la Révolution ne sera ni sans intérêt ni sans profit pour le lecteur. Non-seulement on y trouvera des discours de Chatham et de Burke, des résolutions du Congrès, des lettres de Washington, qui sont d’admirables leçons d’éloquence et de politique ; mais en outre, à vivre dans cette atmosphère d’honnêteté, au milieu de ces sincères amis de la liberté, on y gagnera je ne sais quelle sérénité d’esprit, je ne sais quelle confiance dans l’avenir, qui sont plus