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annales de deux siècles, nulle part elle n’y prouve le règne de la force, tout lui parle de liberté.

On l’a déjà vu dans l’Histoire des Colonies : en émigrant dans le nouveau monde, les puritains avaient emporté avec eux la liberté politique et religieuse ; ils avaient laissé à l’ancien monde, et sans regrets, la royauté absolue, la noblesse héréditaire et l’Église établie. Tous égaux, tous vivant du travail de leurs mains et de la culture du sol, les planteurs avaient constitué partout des gouvernements libres et populaires. Maîtres d’un territoire illimité, sans ennemis redoutables autour d’eux, ils n’avaient jamais senti le besoin de concentrer le pouvoir et d’établir des armées. La république est sortie de cette société par une floraison toute naturelle ; quelle autre forme politique eût convenu à un peuple, qui ne connaissait point le privilège et qui n’avait pas besoin d’être protégé ?

Ce fut la première fortune de l’Amérique. La seconde fut de trouver pour conduire sa révolution des hommes élevés à l’école de la liberté. Que de fois, en lisant et en racontant l’histoire de la révolution américaine, j’ai reporté avec tristesse les yeux sur mon pays ! Où est notre Washington ? Où trouver en France ces patriotes chez qui la modération égale le dévouement ? Où sont nos Franklin, nos Adams, nos Hamilton, nos Madison ? On nous élève dans l’adoration de la révolution française ; c’est encore un préjugé qui chez nous fait obstacle à la liberté. Que l’on aime les conquêtes de la révolution, l’égalité civile, une demi-liberté religieuse, un commencement de liberté politique, rien de mieux. Non-seulement j’aime toutes ces libertés, mais je les trouve incomplètes, et j’en voudrais davantage. En ce sens, j’appartiens autant et plus que personne au parti de 1789 ; je respecte la cendre de nos pères, mais je n’ai aucune admiration, ni pour la société qui a fini avec la vieille