Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 2.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portée de cette mesure était tout autre, car il s’agissait d’y juger les actes mêmes du Parlement.

Les tories d’Amérique sourirent à cette folle proposition ; Grenville lui-même était convaincu que les jalousies provinciales et la différence des intérêts empêcheraient toujours les colonies de s’unir, et les tiendraient dans l’étroite dépendance de la métropole. Mais, sans s’inquiéter de cette prophétie, la Chambre des représentants du Massachusetts adopta le projet d’Otis, en écartant tout ce qui pouvait diviser les esprits. On n’aborda point, on refusa même de discuter la question de savoir si les colonies seules avaient le droit d’établir des taxes intérieures. On envoya une lettre circulaire à toutes les assemblées coloniales, en demandant que les délégués de ces différentes assemblées se réunissent à New-York, le premier lundi d’octobre 1765, pour consulter ensemble, et considérer s’il n’était pas nécessaire d’adresser au gouvernement et au peuple anglais une réclamation commune. Otis et deux autres membres, amis du gouvernement, furent choisis comme délégués[1].

Cette décision, soutenue par des pamphlets, par des articles de journaux, d’autant plus ardents que le timbre menaçait la presse, mirent en feu toutes les têtes. — « Si nous sommes Anglais, disait-on, qu’est-ce donc que notre propriété ? » — « Le grand M. Locke, ajoutait-on, a établi que nul n’est propriétaire de ce qu’un autre peut lui prendre. » — « Coke, disait un légiste, a établi qu’un seigneur peut tailler son vilain à merci et

  1. Bancroft, Amer. Rev., II, 318.