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hardiesse extrême. Il fallait une voix qui dît ce que chacun pensait ; cette voix fut celle de Patrick Henry. Suivant un mot de Jefferson : ce fut lui qui lança la balle de la révolution[1].

Patrick Henry, qui joua un rôle considérable dans les premiers jours de la révolution, était un de ces hommes qu’on ne rencontre guère qu’en Amérique, de ces gens qui se sont faits eux-mêmes, self made, suivant une expression qui nous manque comme la chose même.

Né en 1736, il avait essayé de bonne heure plus d’un métier, sans réussir dans aucun. Deux fois commerçant, il avait deux fois fait de mauvaises affaires. Agriculteur, il avait été obligé de vendre ses propriétés pour payer ses dettes. En désespoir de cause il s’était fait avocat, après six semaines d’études[2]. Il avait lu Coke sur Littleton et les lois de la Virginie, cela lui avait suffi.

Les contemporains nous le représentent comme une espèce de paysan du Danube, gauche dans ses manières, plus que négligé dans ses habits, tour à tour indolent et ardent, sans aucun goût pour l’étude ou la lecture ; mais avec cela causeur, observateur, et ayant cette éloquence simple et franche qui prend les hommes mieux que l’art le plus recherché. Les Américains, qui ont un surnom pour leurs grands hommes, comme nous pour nos rois, l’ont appelé l’Orateur de la nature, titre exact s’il signifie que Patrick Henry devait tout à l’ardeur de son âme et rien à l’éducation.

  1. Wirt’s Life of Patrick-Henry, p. 38.
  2. Wirt’s, ibid., p. 21.