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convaincus qu’il fallait se soumettre, Franklin tout le premier. Dans ses rêves les plus hardis, il ne prévoyait la résistance des colonies que dans un lointain reculé, quand la population se serait élevée au niveau de celle de la métropole. Il fallait un siècle pour cela.

Aussi dit-on que, lorsqu’un des agents s’embarqua pour porter en Amérique la nouvelle de l’adoption de la loi et demanda à Franklin ses instructions secrètes, Franklin répondit : « Dites à nos concitoyens qu’ils aient le plus d’enfants possible et le plus tôt possible. »

L’Amérique fut moins prudente que ses agents ; confiante dans son droit, elle entreprit aussitôt de résister en multipliant les protestations légales, les pétitions et les pamphlets.

Cette résistance raisonnée, cette patience que rien ne lasse, ces chicanes de légistes nous étonnent. Le premier mot d’un Français, c’est : Battons-nous ; le premier mot d’un Saxon doublé d’un Normand c’est : Plaidons.

Cette différence foncière des deux peuples n’a jamais été si visible que dans l’histoire des deux révolutions. Nous donnons tout au hasard, le Saxon défend son droit par tous les moyens légaux avant d’en appeler à la force. Le caractère des deux nations est peint dans la devise que chacune d’elles a choisie : Dieu protège la France, disons-nous ; belle devise, mais incomplète ; car enfin Dieu ne nous a pas promis sa protection si nous ne nous aidons nous-mêmes ; il ne s’est pas chargé de nous sauver de nos erreurs et de nos folies, « Avant