qu’une charte soit viable, il faut que le gouvernement qu’elle établit réponde aux idées, aux besoins, aux préjugés mêmes de la nation ; son mérite n’est point absolu, mais relatif. Les lois les plus parfaites pour Athènes, disait Solon, sont celles qu’Athènes peut supporter ; et, si je ne craignais l’apparence du paradoxe, je dirais qu’une constitution est d’autant meilleure qu’elle est plus nationale, c’est-à-dire qu’elle convient plus exclusivement au peuple qui vit sous son empire ; en d’autres termes, que la plus parfaite est celle qui, dans son ensemble, serait déplacée dans un autre pays.
La constitution de l’Angleterre est profondément anglaise. C’est la loi non écrite d’un peuple qui chérit la tradition, et qui, alors même qu’il poursuit une réforme, se tourne avec confiance vers le passé et demande des leçons à l’histoire plutôt qu’à la philosophie : elle résume toute la vie de la nation. Transportée sur le continent, c’est un arbre détaché du sol natal et qui, malgré sa sève originaire, dans un terrain et sous un climat étrangers, donne des fruits avortés, se dessèche et meurt.
Il en est de même de la constitution américaine. Son esprit est plus général que celui de la loi anglaise, et se prête mieux à l’emprunt et à l’imitation ; elle est plus près de nous, comme la société américaine est plus près de notre so-