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lui l’intelligence, et à en faire un animal craintif et obéissant.

Trouvait-on un esclave hors de la plantation sans une passe donnée par le maître, c’était un devoir de l’arrêter, et de le châtier sur place ; s’il résistait, il était permis de le tuer. La loi est la même aujourd’hui, et la raison de cette rigueur est toute simple ; le nègre marron est l’ennemi commun[1].

Au reçu de toute plainte portée contre un esclave, depuis le vol d’un poulet jusqu’à la révolte et au meurtre, tout juge de paix avait droit d’arrêter aussitôt l’accusé, et de le traduire devant un jury composé de quelques propriétaires du voisinage. C’est à ce tribunal, composé d’ennemis naturels, que la loi remettait la vie de l’esclave, et il suffisait de la simple majorité pour prononcer la peine de mort. Toute punition moindre était laissée à l’arbitraire du jury ; à lui d’en fixer la forme et la durée. C’est également ce tribunal qui, en cas de mort, déterminait le genre du supplice et faisait aussitôt procéder à l’exécution, à la seule condition d’indemniser le propriétaire aux dépens du public.

Telle est la procédure sommaire qui encore aujourd’hui met l’esclave entre les mains de ses bourreaux. C’est ainsi que ces républicains, si jaloux de leur liberté et si fiers de leur jury, pro-

  1. Act. of 1740. Goodell, The American slave Code, p. 284.