Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces hommes comme M. de Talleyrand, qui laissent leur parti au moment où ce parti se perd par ses fautes, et le lendemain de la chute de leurs amis rentrent au pouvoir avec l’opposition. Il ne manque pas d’historiens pour exalter l’esprit infini, les ressources incroyables de ces habiles politiques qui, dit-on, sont toujours demeurés fidèles à leurs idées. Pour moi, je l’avoue, je n’ai qu’une très-médiocre estime pour ces gens versatiles qui, ce me semble, ne restent fidèles qu’à leur ambition. Et quant à cette prescience qui leur révèle la ruine imminente de leur parti, elle me paraît d’autant moins admirable, que ce sont eux qui d’ordinaire décident cette chute dont ils doivent profiter. À cette classe de sceptiques, trop nombreux en des temps agités comme les nôtres, il manque des qualités qui ne viennent point de l’esprit, mais du cœur, j’entends cette probité politique, ce dévouement à la cause qu’on a embrassée, sans quoi il n’y a point de grand caractère, ni de renommée durable. Suivre un parti dans ses égarements, c’est folie ; se tourner contre lui, c’est l’effet d’une lâche ambition ; l’honneur a d’autres conditions. On peut, avant le danger, quitter son drapeau ; mais on ne doit jamais le combattre sous des couleurs étrangères. Aussi, avec une grande intelligence, des talents véritables, et plus de courage que n’en ont d’ordinaire ces adorateurs de l’opinion et de la for-