par exemple, que nous disons que la civilisation de la Grèce était plus avancée que celle de Rome quand les Romains soumirent les Grecs ; et cependant les institutions politiques des Romains étaient bien supérieures aux institutions grecques. C’est ainsi que l’amour de la liberté, que l’habitude et la science de la vie publique sont tout autrement puissants en Angleterre qu’en France, en Allemagne, en Italie ; et cependant qui oserait dire que Londres soit plus civilisé que Paris ou Florence ? Ces milliers d’étrangers qui chaque année viennent chez nous pour y chercher les charmes d’une société plus douce protesteraient contre cette assertion.
Reculez de deux siècles cette observation, et vous comprendrez comment l’organisation politique des puritains, infiniment plus libre que celle de la France sous Louis XIV, ou de l’Angleterre sous Charles II, n’annonce point cependant une société plus parfaite, ni une civilisation plus grande. Tout au contraire, il y a dans les annales de la Nouvelle-Angleterre certains événements qui montrent une société bien moins avancée, bien moins éclairée qu’on ne le supposerait. C’est ainsi que de 1688 à 1692 la colonie du Massachusets se crut tourmentée par le diable, et qu’on passa quatre ans à poursuivre les sorciers dont le nombre augmentait avec la crédulité ou les remords des juges. À cette époque l’Europe commençait à