qu’elle perde rien de sa valeur ? Suffit-il de démontrer l’utilité d’une forme politique pour qu’à l’instant même cette forme soit reçue universellement et sans résistance ? La liberté ne serait-elle pas, au contraire, le résultat de certaines habitudes, de certains besoins qu’on ne peut communiquer à un peuple que par degrés, et ne faut-il pas des soins infinis pour l’approprier à la nation, au siècle, au climat qui doit en jouir ?
Toute la science, toute la politique se partage entre ces deux écoles ; l’école de l’absolu ou l’école philosophique, l’école de l’expérience ou l’école historique.
Si la première a raison, si la liberté est une vérité mathématique, un absolu, il suffit de transporter en France la constitution d’Angleterre ou celle des États-Unis pour faire de nous à l’instant des hommes aussi libres, aussi habitués au gouvernement de la nation par elle-même que peuvent l’être, après des siècles d’expérience, les Anglais ou les Américains. Avec les institutions de Lycurgue on ferait de nous des Spartiates, et le rédacteur de la constitution de 1793, Hérault de Séchelles, avait raison de demander à la Bibliothèque les lois de Minos pour en doter la France ; un problème trouvé par Euclide n’appartient-il pas à tout le genre humain ?
Si au contraire la liberté ne résulte pas d’une charte mais des mœurs, des idées, des habitudes