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les conditions voulues pour défendre une cause qu’il aimait. Je m’étonne qu’on ait tardé si longtemps à traduire des discours qui, en Angleterre, ont emporté un succès décisif ; je crois qu’on saura bon gré à mon fils de donner au public français ces pages pleines d’éloquence et de raison ; jamais on n’a défendu la propriété littéraire avec plus de chaleur, plus d’élévation et plus de sens.

Je n’ai pas la prétention de rivaliser d’éloquence avec M. Talfourd ; il a dit tout ce qui peut remuer les cœurs et échauffer les âmes en faveur de la plus juste des causes, mais je crois qu’après lui il y a encore intérêt à examiner froidement, en jurisconsulte, le vrai caractère de la propriété littéraire. Dans la législation plus qu’ailleurs, il est nécessaire d’avoir des maximes certaines, il ne faut pas que l’esprit, que la pensée de la loi, aient rien de douteux ; autrement le magistrat hésite, la jurisprudence flotte au hasard, les droits des particuliers sont compromis. Si le droit des auteurs n’est pas une propriété, purgeons la langue d’un mot inexact, et débarrassons la jurisprudence d’une idée fausse ; si, au contraire, c’est une véritable propriété, ou un titre analogue à celui de propriétaire, déclarons-le franchement, et tirons de ce principe toutes les conséquences qui en découlent naturellement.

Quelle est la racine du droit de propriété foncière ? c’est le travail ; j’entends par ce mot la transformation que notre volonté, notre intelligence et nos forces font subir à la terre. Un homme arrive en Algérie : il y trouve des terrains dévorés par le palmier nain, des marais empestés par les eaux, un sable desséché et stérile. Ce terrain, la société le vend au prix qu’il vaut, c’est-à-dire presque rien ; le colon défriche, dessèche, fait des irrigations : voilà une valeur créée, voilà une propriété constituée.