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vérités nouvelles ; il proclame des applications relatives, pratiques et proportionnées aux idées reçues, aux mœurs et aux habitudes des temps et de la chose dont il écrit le code.

Nous avons considéré que les idées sur la propriété littéraire n’étaient pas encore assez rationalisées, que ses mœurs n’étaient pas assez faites, que sa constitution n’était pas assez universellement européenne et internationale, qu’enfin ses habitudes n’étaient pas assez prises dans le droit commun des autres ordres de choses possédées, pour qu’en constituant les droits garantis, nous pussions du même coup constituer dès aujourd’hui sa transmissibilité sans limites à travers le temps. En l’investissant dans cette loi des conditions d’une possession complète, nous avons donc cru devoir la limiter dans sa durée.

Nous n’avons mis aucune limite à ses droits, nous lui avons mis une borne dans le temps ; le jour où le législateur, éclairé par l’épreuve qu’elle va faire d’elle-même, jugera qu’elle peut entrer dans un exercice plus étendu de ses droits naturels, il n’aura qu’à ôter cette borne ; il n’aura qu’à dire : toujours, où notre loi a dit : cinquante ans, et l’intelligence sera émancipée[1].

La conclusion peut ne pas sembler d’accord avec les prémisses, on peut aussi reprocher à M. de Lamartine qu’il fait trop bon marché du droit de propriété, qu’il y voit trop une création de la loi ; mais il faut reconnaitre qu’il a placé la question sur son vrai terrain, et qu’il en a avancé la solution. Privilége ou propriété, voilà le problème ; M. de Lamartine a eu le mérite de se prononcer pour la propriété.

Depuis le rapport de M. de Lamartine, la loi n’a pas changé d’esprit, quoiqu’elle ait concédé quelques avantages aux écrivains et à leurs héritiers, et la jurisprudence est restée fidèle à cette espèce de jalousie. C’est toujours de l’État que l’auteur tient son privilège ; et, en général, les tribunaux considèrent la propriété littéraire comme un droit étroit et peu favorable. L’opinion, au contraire, incline de plus en plus vers la pleine reconnaissance de la propriété, et

  1. Rapport, p. 7.