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tirer un profil de leurs peines. Mais comment empêcher qu’une fois le livre vendu, l’acheteur n’en tirât des copies par une impression nouvelle ; là était la difficulté. Du seizième au dix-huitième siècle, pour garantir le droit de l’auteur ou plutôt du libraire, on eut recours à l’autorité qui avait entre les mains la police de l’imprimerie, et qui, par des raisons diverses, avait érigé la librairie en corporation, et l’imprimerie en monopole : on demanda des privilèges.

Ce fut un usage général qu’avant d’imprimer un livre, tout libraire s’adressât au roi pour en obtenir des lettres de permission, dont la durée variait suivant le bon plaisir de l’autorité. La forme de ces privilèges nous est familière ; il suffit d’ouvrir un livre imprimé en France avant la révolution, pour trouver à la fin du volume les Lettres du Roi, adressées : à nos âmes et féaux conseillers, les gens tenans nos cours de Parlement…, et autres nos justiciers, et qui font défenses à tous libraires et imprimeurs, et autres personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient, d’introduire aucune impression étrangère (c’est-à-dire aucune contrefaçon), dans aucun lieu de notre obéissance.

Les privilèges ne sont point particuliers à la France ; il semble, au contraire, qu’on les ait reçus d’Italie. Du reste, c’est ainsi qu’en Angleterre, en Allemagne et par toute l’Europe on protégea le droit des auteurs. Il ne faut pas croire que par ce mode de protection, le législateur décidât du vrai caractère de la propriété littéraire ; au fond, on y avait peu réfléchi. « On ne s’était pour ainsi dire point encore occupé du droit des auteurs, disait justement l’avocat général Séguier[1], et leurs propriétés n’avaient pas même

  1. Procès-verbal de ce qui s’est passé au Parlement, touchant les six arrêts du Conseil du 30 août 1777, concernant la librairie (séance du 10 août 1779), p. 68.