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mot, la propriété ne dépend pas du privilège, mais la sauvegarde de la propriété en dépend ; et lorsque le Roi ne veut pas renouveler celte assurance, il n’enlève rien à Pacquéreur ; mais il lui donne moins qu’à l’auteur dont il a acheté le privilège et le manuscrit.

On peut .ajouter à ces réflexions que la propriété de l’acquéreur a toujours été contestée, que le renouvellement d’un privilège à son expiration est un abus dans la main du même imprimeur, que c’est concentrer l’exercice de la librairie en une seule famille et dans une seule ville *, que la facilité avec laquelle l’administration a accordé jusqu’à présent des continuations de privilège contribue à entretenir le prix exorbitant où le monopole* des auteurs et des libraires a fait monter les meilleurs livres ; qu’on a obtenu des continuations de privilège pour n’en pas faire usage, et dans la seule vue d’empêcher un autre libraire d’en obtenir. On peut aller plus loin encore, et soutenir que la concurrence, loin d’être le fléau de la librairie, en est le plus ferme soutien, qu’elle seule peut faire naître de nouvelles éditions plus belles et plus correctes que les premières, parce que ceux qui réimpriment le même ouvrage se piquent d’émulation ; ils cherchent à en assurer le dre ? Si le libraire acquéreur du manuscrit de l’auteur perd sa propriété à l’expiration de son privilège, comment a-t-elle passé dans la main du Roi, pour la vendre au premier requérant ? H faudrait donc que le gouvernement achetât tous les manuscrits ; pour lors il les vendrait avec justice. 1. Si la librairie ne s’exerçait que sur un seul livre, ce raisonnement pourrait avoir quelque fondement. Mais si une seule ville, si une seule famille possède un livre quelconque, qui empêche les autres familles, les autres villes d’en acquérir d’autres ? Si Paris produit plus de manuscrits queBeaune, Beaune produit plus de vin de Bourgogne que Paris, et Paris doit vivre avec ses manuscrits comme Beaune avec ses vins. Il faut que Beaune et Paris aient des imprimeries, comme Louis XIII l’ordonnait, et ne pas enlever 4» Paris le droit d’y imprimer des livres qui y ont été acquis, pour les transporter à Beaune, qui ne comporte pas une imprimerie comme celle du Louvre. 2. Ceuxjdont on analyse ici les raisonnements auraient bien dû nommer quelques-uns des objets du monopole ; mais ils n’en ont trouvé que dans les livres rares qui ne se réimpriment plus depuis un siècle, comme si la cherté de ces livres dans les ventes publiques était du fait de l’imprimerie ou de la librairie, ou même des privilèges ou de leur continuation.