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tant qu’il reste propriétaire, et ses héritiers, jusqu’à la dernière génération, jouiront du fruit de ses veilles et de la production de son génie ; mais cet auteur est moins favorisé, s’il rétrocède son privilège 1 ; en abdiquant la propriété de l’ouvrage pour en revêtir un libraire, il ne conserve que le titre d’auteur ; le privilège passe en d’autres mains ; le Roi, dans ce cas, ne s’oblige point à le renouveler, et la restriction qu’il met à la durée de la grâce n’est point destructive de la propriété. Cette grâce est assurée à toujours dans la personne de l’auteur ; elle n’est assurée que pour un temps dans la main du cessionnaire ; c’est une modification de la grâce. Routes les fois que le Roi accorde un privilège, il n’est pas question de la propriété en elle-même, il ne s’agit que de la manière d’assurer cette propriété. Le privilège en est le garant et la sauvegarde. Mais cette garantie, cette sauvegarde, peut durer plus ou moins, selon la volonté de celui qui s’oblige à la faire valoir. Encore une fois, le privilège est une grâce ; elle est de justice pour l’auteur, et de libéralité pour le libraire * ; le prince qui assure cette grâce, qui se soumet à cette garantie, a droit de la restreindre ou de la modifier. L’auteur propriétaire reste toujours propriétaire, l’acquéreur ne perd point une portion de la propriété acquise ; s’il a une propriété réelle, il n’en perd que l’assurance et la sauvegarde 1 ; en un l-Quel peut être le motif de cette défaveur qui anéantit le fruit de son travail, quand il ne veut ou ne peut être marchand ? 2. On ne conçoit pas trop comment ce qui est de justice pour l’auteur, est de pure libéralité pour celui qui le représente et qui achète le droit qu’il a à titre de justice. On met de niveau l’auteur d’un ouvrage de deux cents pages avec celui qui aura fait un ouvrage en deux ou trois volumes in-folio. Quel est le libraire qui achètera pour dix ans le droit de l’auteur ? Quand l’auteur le donnerait gratis, cet intervalle est-il suffisant pour indemniser le cessionnaire ?

3. Si, parla cessation d’un privilège, le propriétaire d’un manuscrit ne perd que l’assurance et la sauvegarde de sa propriété, comment l’arrêt concernant les privilèges a-t-il pu annoncer qu’à l’expiration d’un privilège tout libraire pourra obtenir la permission de réimprimer le livre, en payant le prix porté au tarif ? Est-ce là le simple silence de la protection cessante ? N’est-ce pas le langage d’un propriétaire qui annonce ses propriétés à ven-