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de tout âge, de toute condition, affluaient dès le matin dans les cours, pénétraient dans l’intérieur, et donnaient des marques de l’affliction la plus profonde : on se demandait à toute heure, à tout moment, des nouvelles. Un ministre traversait-il les appartements, chacun cherchait à deviner sur son visage l’état des affaires publiques. Pour peu qu’il parût serein, la confiance renaissait et la foule diminuait. Le 16, à trois heures, Monsieur, frère du Roi, réunit dans le château les officiers supérieurs et les chefs de légion de la garde nationale ; il leur fit connaître son intention de passer en revue les différentes légions, et de se mettre à la tête de ceux qui se présenteraient comme volontaires pour marcher avec la maison du Roi. « Je serai fier, ajouta le prince, de commander les braves qui voudront partager avec moi les dangers qui menacent le trône et la patrie ; mais je ne saurai point mauvais gré à ceux que des circonstances impérieuses empêcheraient de suivre, comme nous, l’élan de leurs cœurs. » Ces paroles, à la fois nobles et touchantes, portaient l’émotion dans les âmes ; et, sans doute, si la France avait pu être sauvée dans cette circonstance inouïe, c’était par un semblable exemple et sous un tel chef.

Si Pergama dextra

Defendi possent, etiam haec defensa fuissent. (Virg, 1, III)

Un semblable discours, répété le lendemain par le prince à chacune des légions, produisit le même effet, et une foule de gardes nationaux sortirent des rangs, et se préparèrent à partir : la seule compagnie de Cazes fournit quatre-vingt hommes[1]. Le

  1. Cette compagnie et son capitaine aujourd’hui ministre de la police faisaient partie du 3° bataillon de la 2° légion.