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une dignité douce, une noble candeur, et surtout cette bonté touchante, cette bonté sans laquelle, dit Sénèque, il n’est point de vraie grandeur : Bonitas sine qua nulla est majestas[1].
Pendant que Napoléon s’établissait dans le palais, des détachements de tous les corps arrivaient dans la cour ; les canons se rangeaient au milieu ; les cavaliers attachaient leurs chevaux aux grilles ; et tous les abords du château ressemblait à un grand quartier général après une bataille gagnée ; les officies s’embrassaient en se rencontrant, et se félicitaient d’avance d’un avenir sans bornes. A onze heures arriva un détachement des grenadiers de l’île d’Elbe : ces hommes déterminés avaient fait le chemin d’Auxerre en trois jours. Ils se rangèrent devant le corps de garde de la fontaine ; et, le voyant occupé, ils placèrent leurs fusils en faisceaux au dehors, et se couchèrent tranquillement par terre pour prendre quelque repos. L’aspect de ces guerriers, échappés à tant de dangers, et si simples après tant de travaux, faisait penser avec tristesse aux services qu’auraient pu rendre leurs compagnons s’ils avaient montré autant de dévouement à une meilleure cause, ou de fidélité à un meilleur maître.
La garde nationale, pendant le reste de la nuit, conserva ses postes, et continua de mériter, par son attitude calme et ferme, la considération dont elle n’a cessé de jouir[2].

  1. Sénèque, ep. 95.
  2. Cette institution, encore dans son enfance, semble être le produit de longues années, tant elle présente d’accord, d’union, et d’ensemble dans tous ceux qui la composent. Il est vrai que, par un heureux concours de sagesse et de volonté, les différents chefs qu’elle a eus et ceux qu’elle a aujourd’hui ont toujours cherché à perfectionner son organisation et à soutenir son zèle, sans l’éloigner de son véritable but, le maintien de l’ordre et de la propriété.