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entendre au milieu du Carrousel ; des cris de vive le Roi ! vive l’Empereur ! partaient du même côté. A travers la foule du peuple on distinguait seulement les casques de quelques cuirassiers, des conducteurs de chariots, et une masse de sabres et d’épées nus qui s’agitaient en l’air : c’était la troupe des officiers à demi-solde, qu’on avait dirigée vers Saint-Denis, et qui s’était mise en marche sur Paris sitôt qu’elle avait appris le départ du Roi. C’était une réunion d’hommes différents d’âge, de mœurs, de caractère, qui, fiers encore de leurs faits d’armes, n’avaient jamais prétendu abdiquer, comme leur chef, le rang qu’ils tenaient dans l’état ; c’étaient enfin les représentants du nouvel ordre de choses qui allaient occuper la même place où l’on avait vu la veille les volontaires royaux. Après avoir traversé le faubourg Saint-Denis, ils étaient parvenus aux Tuileries, dont ils voulaient, disaient-ils, faire la garde : ils avaient avec eux deux pièces de canon et un détachement de cuirassiers ; le peuple retardait leur marche, et ne répondait point à leurs cris. Arrivés à la grille, ils voulurent la forcer ; un renfort de la garde nationale la tint fermée. Un moment après, un général se présenta à cheval, et entra en pourparlers ; il annonça que Bonaparte ne tarderait pas à arriver, et, après quelques moments de conférence, il fut convenu que les officiers seulement entreraient dans la cour des Tuileries ; mais qu’ils s’y réuniraient en bataillon, pour ne pas causer de désordre. On dirigea les canons par le quai, pour entrer par le guichet du pont Royal. Quelque soin qu’on prît à ne laisser entrer que les officiers, une foule de peuple pénétra en même temps dans la cour, et les deux bataillons de MM. de Remuzat et d’Arjuzon eurent beaucoup de peine à la faire