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Le reste de la nuit se passa sans événement. L’architecte et l’adjudant du palais vinrent constater l’état des lieux, et l’ordre fut donné de ne rien laisser sortir que sur des visa du concierge ; on envoya également des postes à l’hôtel d’Elbeuf et au quartier des gardes du corps, pour les préserver du pillage. Le jour parut enfin pour éclairer une scène toute différente. Nous nous crûmes transportés tout d’un coup chez un nouveau peuple, ou plutôt vis-à-vis d’acteurs différents, parlant une autre langue, quoique occupant le même théâtre. Dès sept heures du matin, le peuple commença à se porter vers les grilles, et à garnir toute la place extérieure du Carrousel, et les terrasses du côté du jardin. Le bruit du départ du Roi se répandait, et une agitation sourde régnait dans la ville. Vers dix heures, une rumeur plus forte se fit entendre ; une patrouille envoyée de ce côté, sous le commandement du caporal Maria, de la 8° légion, eut beaucoup de peine à pénétrer à travers l’attroupement qui s’était formé ; elle arriva au moment où quelques officiers étaient devenus l’objet de la fureur du peuple, pour n’avoir pas voulu quitter la cocarde tricolore qu’ils avaient prise au moment où ils avaient eu connaissance de l’arrivée de Bonaparte. La patrouille les tira de la foule, les conduisit au corps de garde, et l’ordre fut rétabli.
Vers une heure, la garde montante, composée des 1re, 2° ; 3° et 4° légions, arriva, et se rangea en bataille vis-à-vis de la grille, se bornant à relever les sentinelles. L’adjudant-commandant donna l’ordre au major de garder sa troupe sous les armes, et engagea les détachements de la garde descendante à rester également rangés en bataille. Cette mesure était bien nécessaire ; car, à peine étions-nous formés, qu’un bruit affreux se fit