Page:Laborde - Quarante-huit heures de garde au château des Tuileries, 1816.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre chose que le vestibule et la salle à manger de madame la duchesse d’Angoulême, l’adjudant commandant et le major entrèrent dans les salles, et nous firent connaître la situation des choses. « C’est à nous, mes amis, dirent-ils, qu’il est réserver de garder le Roi dans le moment le plus difficile ; la troupe de ligne s’est portée en avant, la maison du Roi va la suivre, et nous restons seuls pour nous opposer à tous les mouvements qui pourraient venir de l’intérieur de Paris. Nous sommes munis de cartouches, et tout est disposé pour nous bien défendre. Promettons-nous de périr tous ici plutôt que de laisser jamais pénétrer le château, et de voir se renouveler les scènes du 10 août. » A ses mots, des cris de vive le Roi s’élevèrent de tous côtés, et l’enthousiasme fut général.
Cependant la foule ne diminuait pas dans les cours et aux abords du palais, malgré la pluie continuelle ; la crainte se mêlait à la tristesse sur les visages ; le silence succédait à l’agitation et à la curiosité. Déjà au milieu des groupes on voyait se glisser certains individus qui n’y avaient point paru les jours précédents, et qui, avec un sang-froid apparent, laissent échapper des souris de contentement et d’ironie. Il n’était que trop facile, à la tranquillité des uns, et à l’inquiétude des autres, de prévoir l’issue de cette malheureuse situation. A quatre heures, le Roi sortit des Tuileries pour passer en revue sa maison militaire, rangée en bataille au champ de Mars. Cette réunion de jeunes gens distingués, de serviteurs fidèles, aurait été d’un grand secours si leur formation avait été achevée, mais une grande partie n’était point montée ; et d’ailleurs, il faut l’avouer, la composition d’un corps d’officiers n’était plus d’accord avec le système militaire européens.