Page:Laborde - Quarante-huit heures de garde au château des Tuileries, 1816.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prêta le serment solennel de maintenir la charte ; Mgr le duc de Berry suivit son exemple. Cette déclaration volontaire de la part du Roi, ce testament politique, cette prévoyance paternelle au bord de l’abîme, produisirent sur tous les assistants une émotion profonde ; des cris d’enthousiasme se mêlèrent aux pleurs de l’attendrissement et de la reconnaissance.
Les nouvelles devenaient cependant plus alarmantes d’heure en heure, l’orage s’approchait ; déjà on entendait de loin gronder la tempête. La fidélité de quelques régiments balançait la défection des autres ; un aveuglement funeste semblait s’être emparé de tous les esprits. Enfin l’abandon d’une grande partie de l’armée, laissant Paris à découvert, montra bientôt l’impossibilité d’opposer aucune sorte de résistance à cet entraînement surnaturel, à ce délire de l’imagination, à cette impulsion inattendue et électrique, qu’il était aussi impossible de définir que d’arrêter. La journée du 19 parut être celle qui devait décider du sort de la capitale. La garde nationale reçut l’ordre de relever la troupe de ligne, et de redoubler de soins pour la tranquillité du palais, qui désormais était confié à elle seule. Déjà on se disposait à la défense. Tous les abords étaient occupés et surveillés depuis plusieurs jours ; le poste du Pont-Tournant avait été doublé, du moment où les Suisses s’étaient portés en avant ; on avait établi au bout de la galerie du Musée un fort détachement qui donnait des factionnaires dans la cour du Louvre, et devait, en cas d’attaque, se replier lentement par l’intérieur sur différentes barricades qu’on avait préparées de distance en distance.