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Ernest

J’arrive aux défauts… A vrai dire, je ne m’en connais qu’un…

Marie

Vraiment ?

Ernest

Je suis doué d’une extrême sensibilité… Je ne peux pas voir un malheureux… Je le fuis !

Marie

Ah !

Ernest

Mes aspirations me portent à la rêverie, à la mélancolie… Je suis ce qu’on appelle un homme mélancolique. (Il éternue, à part.) Ça y est, me voilà enrhumé ! (Haut.) Je puis le dire sans fausse modestie… je porte un cœur de poète… (Il se mouche.)

Marie

Vous faites des vers ?

Ernest

Oh ! Quelques romances… assez réussie… Je suis organisé d’une façon exceptionnelle, j’entends vibrer en moi toutes les harmonies de la nature… (Il prononce tout ce qui va suivre comme un homme fortement enrhumé du cerveau.) Je comprends les voix qui ne parlent pas… le frémissement des feuilles sous les pieds de la femme aimée (il se mouche), la chanson plaintive du vent qui souffle dans les grands bois (il se mouche), le concert des étoiles… la goutte de rosée… qui dit à sa sœur… (Se retournant vivement.) Sapristi ! Il y a encore un courant d’air ! (Courant à la fenêtre.) On a crevé le carreau ! (II éternue et baisse le rideau de la fenêtre.)