Page:Labiche - Les Précieux, comédie en un acte, mêlée de chant, 1855.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée

Delphine

Mon oncle !

Gaudin, furieux.

Monsieur, c’est une horreur ! une infamie !

Vertchoisi, toujours à genoux, avec le plus grand sang-froid.

Qu’avez-vous donc, Monsieur ?

Gaudin

Ce que j’ai !  !

Delphine

Pourquoi cette colère ?

Gaudin

Ah ! c’est par trop fort… Comment ! quand je vous trouve !… Que faites-vous là, Monsieur ?

Vertchoisi, se levant.

J’aime, et je le dis !

Gaudin

Comment ?

Delphine

Nous chantons la mélopée de la jeunesse et de l’amour !

Gaudin

Qu’est-ce qu’elle me chante ? Quoi, Mademoiselle, je vous laisse avec votre prétendu… et vous souffrez sans rougir…

Vertchoisi, lui prenant la main.

Le soleil dit à la terre : Je t’aime ! et la terre ne rougit pas !

Gaudin

Hein ?

Delphine

Le flot dit à la brise : Je t’aime ! et la brise ne rougit pas.

Gaudin

Comment ! Quoi ? la brise ! le soleil !…

S’exaltant.

Je me moque de la brise !… je me fiche du soleil !… c’est trahir l’hospitalité… Monsieur ; c’est une indélicatesse…

Vertchoisi, de très haut.

Monsieur, la vieillesse est une royauté… je respecte votre couronne !… mais, sachez-le, celui qui trahit… est un traître… L’homme qui manque à la délicatesse est un homme sans honneur… j’aime à croire, Monsieur, qu’en me jetant à la face de telles paroles, vous n’en aviez pas pesé toute la portée…

Gaudin, ahuri.

Monsieur… bien certainement… mon intention n’était pas précisément…

Vertchoisi

C’est bien, Monsieur, j’accepte vos explications…

Offrant le bras à Delphine.

Venez, Mademoiselle, venez… on ne vous comprend pas ici.