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LEGALOUX.

Dame, elle montait le sien aussi… sans souffler, et puis, elle était rageuse… et elle vous avait des ongles !… tandis que moi je ronge les miens… C’est une gourmandise de naissance.

PIGEONNIER.

Voyons ! veux-tu quinze écus ?

LEGALOUX.

Quinze écus ! le prix d’un veau !… J’en demandions trente.

PIGEONNIER.

J’en demandions ! j’en demandions ! Il fallait arriver ce matin, tu les aurais peut-être trouvés… moi, si je te prends, c’est pour t’obliger…

LEGALOUX.

Vous êtes bien honnête… mais quinze écus…

PIGEONNIER.

Allons, mettons dix-huit… (il va se rasseoir à son bureau.)

LEGALOUX [Pig. Lég.]

Dix-huit écus ! un homme qui monte son sac ! Guerdins de corbeaux !

PIGEONNIER., lui présentant un papier.

Tiens, signe !

LEGALOUX.

Voilà !… Et les arrhes ?… C’est trois francs.

PIGEONNIER.

Je les garde pour l’acte et mes honoraires.

LEGALOUX.

Mais, d’usage, ce n’est que deux francs, vot’papier.

PIGEONNIER.

Le matin ; mais à la lumière c’est plus cher !

LEGALOUX.

Mais puisque vous n’avez pas allumé !

PIGEONNIER.

Est-il bête ! puisqu’il fait encore jour !

LEGALOUX, convaincu.

Ah ! c’est juste ! (Il signe.)

PIGEONNIER, à part, prenant le papier.

J’ai stipulé un dédit de quarante écus… (Haut, et se levant.) Tu t’appelles… (Essayant de déchiffrer la signature.) Lega… Lega…

LEGALOUX.

Legaloux…

PIGEONNIER.

Ah ! je n’aime pas ce nom-là !… Enfin… ôte tes sabots et ne fais pas de bruit… ma femme est indisposée…

LEGALOUX, ôtant ses sabots.

Ah ! Quoi qu’elle a ?