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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

— Je n’en ai pas rencontré, répondit Georges, occupé à remplir de pétrole des flacons ayant contenu du genièvre.

Et monsieur Tessier resta perplexe.

L’événement qui venait de survenir le préoccupait plus qu’il ne l’avait été depuis longtemps. Il était impatient de savoir quelque-chose sur cet étranger qui portait le même nom que lui À ce moment de ses réflexions, le cordonnier Amable Gendron franchit le seuil de l’établissement. En l’apercevant, le marchand eut la certitude qu’il aurait l’information désirée. C’est que la boutique du savetier était le grand centre des nouvelles et des potins de la paroisse. Tous les événements grands et petits, l’arrivée d’un visiteur, le passage d’un étranger, étaient discutés avec force détails par le cercle de rentiers qui se réunissait chaque jour sur le banc devant l’échoppe du cordonnier.

— Dites donc, Monsieur Gendron, vous ne connaîtriez pas un particulier de la ville du nom de Tessier, qui passe ses vacances à Saint-Eustache ?

— Tessier ? un grand brun, mince, trente-cinq ans environ, une petite moustache, toujours bien mis ?

— J’ignore comment il est de sa personne, mais le maître de poste me disait tout à l’heure qu’il y a à Saint-Eustache un homme qui se nomme Adrien Tessier comme moi.

Je ne sais pas s’il se nomme Adrien Tessier, mais je connais quelqu’un du nom de Tessier qui tient un gros commerce de tapis à Montréal. Vous devez l’avoir vu souvent, car chaque soir après le souper, il fait son tour par ici et il passe devant votre porte. Il pensionne chez Narcisse Trudeau, à côté de la station.

— Pas marié ?