LE PETIT COCHON
ES les premiers jours de l’été dernier, Mme Bézières
avec ses six enfants et son piano alla s’installer à la
campagne pour y passer la belle saison. Elle avait
loué à Chateauguay, sa paroisse natale, une maisonnette
grande comme la main, où elle se trouvait horriblement à
l’étroit, mais qu’elle payait bon marché.
Or, le surlendemain de son arrivée, Mme Bézières femme prévoyante et économe dit à son mari : Tu sais, tu devrais bien aller chez Moïse Bourcier et acheter un petit goret. On l’élèverait avec les restes de la table et les eaux grasses. Il y a toujours un tas de choses qui se perdent et ça nous coûterait rien pour l’entretenir. À l’automne, nous aurions un beau cochon de deux cents livres au moins pour passer notre hiver, et du boudin, de la saucisse et des rôtis pour Noël et le Jour de l’An.
Et comme M. Bézières ne disait rien, elle déclara d’un ton assuré : Tu sais, je connais ça, car j’ai été élevée à la campagne et ce serait une bonne affaire.
M. Bézières est donc allé chez Moïse Bourcier et a acheté un petit goret de quinze jours qu’il a payé deux piastres. Le fermier a recommandé de le nourrir au lait pendant quelque temps. Mais voilà, Mme Bézières achète