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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

lant insecte qui alla s’abattre sur le front de son père, dans le cercueil brun.

— Oh, la misérable mouche ! s’exclama la femme en faisant de la main un geste pour la chasser.

Rapide, la mouche verte, chatoyante du reflet des pierreries, s’échappa. Elle voleta un instant au-dessus du cadavre, puis s’élança dans la trouée lumineuse de la fenêtre qu’un souffle de vent avait ouverte toute grande.

Quelques heures plus tard, le mort était descendu dans la terre pour être la proie des vers.

La nuit suivante, l’orphelin entendit en rêve un long, long bourdonnement qui lui secoua tous les nerfs avec la sensation d’un choc électrique et sa petite main, hors des couvertures, eut un geste brusque, comme pour chasser quelque chose. Éveillé maintenant, il restait mal à l’aise, la gorge serrée, incapable de pleurer.

Des jours plus tard, comme un soir, sa mère allait pour l’embrasser, un long, long bourdonnement emplit l’oreille de l’enfant et le sourire qui était sur sa figure s’évanouit. Étonnée, inquiète, la veuve le questionna, mais il ne sut répondre

Au milieu de ses amusements, de ses jeux, des caresses de sa mère, de son sommeil, il entendait tout à coup un long, long bourdonnement qui s’enfonçait douloureusement en lui et pénétrait jusqu’au tréfonds de son être.

L’orphelin devenait grave, ne riait presque jamais. Toujours, le bourdonnement le tourmentait, le harcelait. Il restait souvent de longs moments immobile avec une expression mystérieuse et craintive comme dans l’attente de quelque chose de terrible. À le voir alors, on aurait pu croire qu’il assistait à quelque drame épouvantable joué sur une scène visible pour lui seul.