Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LA MOUCHE



AU milieu de la chambre mortuaire, le cadavre reposait dans le cercueil de bois brun aux poignées nickelées. Insensible désormais à la marche des heures et des jours, aux joies et aux tristesses de la vie, il gardait, figée sur ses lèvres, une expression mystérieuse.

La figure douloureuse et fatiguée, une femme était là, écrasée sur une chaise, les mains croisées sur les genoux, dans la pièce lourde de silence.

Toute la nuit — la dernière avant qu’on l’emportât — elle avait veillé le mort, celui qui, quatre ans auparavant, l’avait épousée un jour de mai et rendue mère.

Une forte odeur de cire fondue flottait dans l’air.

Le matin était ensoleillé, mais la lumière n’entrait que difficilement à travers les épaisses tentures de deuil. Un enfant de trois ans s’avança timidement et sans bruit dans la chambre.

La femme eut un sanglot…

Par la fenêtre légèrement entrebâillée, s’introduisit soudain en bourdonnant une grosse mouche verte, luisante, bizarre. L’enfant entendit ce bourdonnement, un long, long bourdonnement qui lui entra dans le cerveau pendant que ses yeux fascinés suivaient le vol zigzaguant du bril-