HISTOIRE PASCALE
E samedi avant la semaine sainte, la grosse Marie
Charrut, la mendiante à relents d’alcool que depuis
plus de dix ans l’on voyait dans tous les bureaux
d’affaires du bas de la ville, s’en fut trouver sœur Marcelin
à l’Asile des Miséreux.
Lorsqu’elle se trouva en présence de la directrice :
— Ma sœur, lui dit-elle, je suis venue vous voir pour que vous m’habilliez afin que je fasse mes pâques. Je n’ai jamais manqué à ce devoir mais cette année, je suis trop en guenilles pour me présenter ainsi à la sainte table. Je ne peux pas aller recevoir le bon Dieu avec une vieille jupe raccommodée, un chapeau bon à jeter aux vidanges, des bottines tellement fendues que les orteils me passent à travers et un pantalon qui sent la pisse. Je manquerais de respect à Notre-Seigneur en allant communier comme ça. Donnez-moi une toilette convenable, je me laverai partout et j’irai faire mes pâques.
— Lavez-vous la figure toujours, fit la religieuse amusée par la franchise de la quémandeuse.
— Non, je me laverai partout, répondit énergiquement Marie. Alors, vous allez m’habiller ? interrogea-t-elle, car si je ne fais pas mes pâques, c’est vous qui serez