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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

déposé sur la table, sort et, sans un regard en arrière, s’en va.

Pendant cinq minutes, la femme reste assise dans l’ombre, le front toujours incliné, absorbée en une profonde méditation. Puis, elle se lève à son tour, et d’un pas silencieux, se dirige vers la cabine du téléphone.

Elle revient et va s’asseoir à la place qu’elle occupait précédemment. Dix minutes plus tard, un prêtre à la démarche énergique, à la figure sanguine, entre dans la salle et se dirige vers la jeune femme. Ils causent, ils ont l’air de s’entendre. Ils sont face à face et la femme sourit en regardant son compagnon. D’un même mouvement, ils se lèvent et marchant l’un près de l’autre, la main de l’un frôlant celle de l’autre, ils sortent du salon plein d’ombre, s’en vont…

Ce soir-là même, les gardiens d’un parc public, près de l’hôtel, entendant une détonation se précipitent. À côté, d’un vieux banc en marbre, près d’un massif de lauriers roses tout en fleurs, ils trouvèrent un homme gisant sur le sable, la tempe défoncée par une balle de revolver. La main qui tenait encore l’instrument de destruction était ornée d’une lourde bague d’or avec une figure de sphinx. Le désespéré était déjà mort et, sur le sable blond, le sang formait comme une grande fleur rouge qu’éclairait l’énorme lune blanche au fond du ciel bleu.