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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

chandelles qui faisait penser à une messe basse dans une petite chapelle.

Ils s’aimèrent mal et dormirent mal.

Elle lui en voulait d’être venu, de coucher dans sa maison au su et au vu de ses voisins et de la compromettre dans l’estime des villageois. Pour dire vrai, elle avait insisté pour qu’il vienne, mais il aurait dû, pensait-elle, mieux connaître la mentalité des gens de campagne et réfléchir aux conséquences de cette visite. Pour lui, il était furieux d’avoir accepté cette invitation si souvent répétée et faite avec tant de chaleur dans ces derniers temps. Il avait l’intuition que sa femme se doutait de son escapade et il en était désolé, malheureux. En plus, il était extrêmement désappointé, car il avait espéré revivre ces élans de passion qu’il avait connus autrefois. La nuit leur parut très longue, et ils se levèrent à bonne heure. Ce fut heureux, car l’on frappa à la porte. C’était une femme de la campagne qui apportait une douzaine d’œufs frais, un pot de crème et un sac de noix longues. Elle resta à causer dans la cuisine pendant que son mari qui l’avait amenée continuait sa route, allant porter le lait du matin à la fromagerie. À son retour, il arrêta pour prendre sa femme et il ne finissait pas de causer. Il attendait l’offre d’un verre de whiskey, offre qui ne vint pas, car la bouteille était vide. L’homme et la femme partirent finalement. Deval, qui avait passé tout ce temps à l’étage supérieur afin de n’être pas vu des visiteurs matinaux, descendit pour le déjeuner. Louise se mit à parler des deux campagnards. Elle ne tarissait pas, racontant à leur sujet tout ce qu’elle en savait, ainsi que de leur ferme, de leurs enfants, de leurs voisins. Elle parlait, elle parlait. Deval en avait mal à la tête. Sa dernière gorgée de café avalée, il alla s’installer