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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

n’avaient pas plus d’effet que si elles eussent été faites à l’un des poteaux du lit.

Mais la brute qu’il avait matée un moment se cabra, la brute toujours victorieuse, car à chaque occasion, chaque fois qu’il avait tenté de lutter, il avait fini par céder. Jamais il n’avait pu se dominer. Il en prit son parti. Allons, demain elle serait peut-être à un autre, mais ce soir au moins, elle était à lui. Mais la posséder sous les couvertures, dans les ténèbres, comme les villageois de l’endroit faisaient des enfants à leur femme, cela non. Faire le geste banal, sentir la détente se produire, sans voir la figure pâmée sur l’oreiller, sans voir le corps mêlé au sien, jamais.

Alors, devant son mutisme, devant sa froideur glaciale, devant sa rage silencieuse, Louise se releva.

— Je vais faire de la lumière, dit-elle.

Mais elle baissa les stores, et ferma étroitement les rideaux. Dans un tiroir, elle prit trois bougies qu’elle alluma et qu’elle plaça sur le bureau de toilette.

Elle se recoucha ensuite et s’enlaça à lui.

Leur union fut brève et sans joie. Tout de même, alors qu’ils se donnaient l’un à l’autre, elle murmura : « C’est la première fois dans cette maison. »

— Mensonge, mensonge ! se disait-il en lui-même en pensant à ce benêt en beau chandail et en culottes de golf.

Ils étaient déçus. Lui surtout. Après les invitations répétées de Louise pour aller à Chamberry, il s’était encore leurré. Il avait laissé courir son imagination de sentimental et il était venu comme un pèlerin vers une chapelle d’amour, s’attendant de vivre des heures fabuleuses. Et au lieu du vibrant et solennel magnificat qu’il avait rêvé, il songeait à cette furtive étreinte à la triste lueur de trois