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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

leur étreinte, s’imaginait entendre leur sourd halètement. La nuit, il ne dormait pas et il était hanté d’idées de suicide. Un dimanche même, il s’était décidé à mourir. Il avait chargé le revolver qui était dans un tiroir de son bureau de toilette et il s’était promis qu’à trois heures, alors que sa famille serait sortie, il s’enverrait une balle dans la tête. Des parents étaient survenus, par hasard, avant le temps fixé pour son petit drame, et le geste décisif, le geste libérateur avait été ajourné. Puis, une fois de plus, Louise était revenue. Elle était revenue douloureuse, blessée. Cet avortement auquel elle s’était soumise, l’avait fait réfléchir, l’avait calmée momentanément, avait modéré ses ardeurs. Car elle savait qu’à ce jeu, elle avait risqué sa vie.

La liaison interrompue avait donc recommencé, mais ils étaient l’un et l’autre comme de grands blessés. Lui ne pouvait oublier les heures atroces qu’il avait vécues et Louise songeait toujours aux trois semaines passées dans la pension de l’avorteuse, à la crainte de la mort qu’elle avait éprouvée et aux scènes que, dans son ivresse querelleuse, le gros constable lui avait souvent faites. Ce récent passé lui était extrêmement pénible. Deval et Louise savaient que jamais plus ils ne pourraient retrouver la ferveur ancienne. C’était un piètre recollage. À certains jours, Louise se montrait très gentille, mais lui, il était trop désillusionné pour s’emballer. Il était comme une âme en deuil. Tout son être était meurtri, endolori.

Un jour, elle lui annonça qu’avec l’assurance-vie qui lui revenait à la suite de la mort de son unique frère, elle avait acheté une maison dans les Laurentides, à Chamberry.

— Une maison ombragée par une vieille épinette, avec une haie de cèdres et un grand jardin rempli de fleurs.