Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

Mais Médée se mit à rire d’un rire épais.

— Ben, il te mangera pas. As pas peur, répondit-il de sa grosse voix railleuse.

Il aimait cela taquiner les gens, et Antoine Le Rouge venait justement de lui fournir un prétexte. Alors, naturellement, il laissa faire son cheval qui encensait de la tête et se frottait le nez au siège devant lui.

— Ce sapré cheval-là va tout gâter mon manteau, se lamenta la femme.

Alors, Antoine Le Rouge qui était d’un caractère prompt, se pencha soudain en arrière et lança un grand coup de fouet à la tête de la bête de Médée. Sous le cinglement, l’animal se cabra, secoua les oreilles, fit un brusque écart et s’élança en avant. En passant, une des roues de la voiture de Médée accrocha le boghei devant lui. Le choc fut si violent qu’il le fit verser dans le fossé en même temps que se brisait l’une des branches du travail de Médée. Instantanément, le cortège s’arrêta et les gens descendirent pour porter secours aux victimes de l’accident. Antoine Le Rouge se releva sain et sauf, ayant seulement reçu un rude ébranlement, son fils avait été à moitié assommé en heurtant le sol et se remit debout tout étourdi, mais la femme au manteau de soie avait un bras cassé.

À peu près à hauteur du corbillard, Médée parvint à maîtriser son cheval emporté.

Entre Antoine Le Rouge et Médée Corbeau ce fut une belle engueulade puis une lutte. Les deux hommes se ruèrent l’un sur l’autre et se mirent à se talocher ferme, puis s’empoignèrent à bras le corps et roulèrent sur le sol. Les assistants intervinrent et séparèrent les combattants.

— Dans tous les cas, tu vas recevoir demain une lettre d’avocat, cria Antoine Le Rouge.