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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

— J’en r’prendrais ben un peu, fit Pilonne à Rose qui circulait autour de la table.

— Pis vous, m’sieu Massais ?

— Un peu, moé itou.

— De la saucisse avec votre grillade ?

— Si c’est pas trop de trouble.

Et Rose apporta aux deux compères, une assiette remplie de grillades et de saucisses.

— Ben, moé, j’ai ane faim, déclara Pilonne. Vous comprenez, j’ai fait cinq heures de voitures pour venir ici, pis ensuite, passer la nuit debout, ça creuse l’estomac.

— Moé itou, j’ai d’l’appétit, déclara Massais.

Le gin qu’ils avaient ingurgité avait été un bon apéritif.

Un rôti de porc froid était au milieu de la table.

— Je prendrais ben ane tranche de viande froide, fit Pilonne après avoir nettoyé son assiette.

— Moé itou, répéta Massais.

Et tour à tour, ils se taillèrent une épaisse tranche de porc froid.

— Passez donc les cornichons, mon ami, demanda Pilonne à Antoine Le Rouge.

Pilonne se servit. Massais en fit autant.

— Tu manges, tu manges ! s’exclama d’un ton admiratif Amédée Corbeau assis en face de Massais, de l’autre côté de la table. Ce Corbeau était lui-même un gros mangeur. Il était le fils d’Isidore Corbeau dont l’appétit était resté légendaire. Intéressé par ce duel de deux robustes estomacs, Médée s’était placé les deux coudes sur la table et il regardait Pilonne et Massais qui s’engouffraient d’énormes bouchées de viande.