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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

Et il le laisse en arrière. Tit Toine fouettait à tour de bras, mais le père le distançait.

— Ben, on t’attendait, on se d’mandait s’il t’était pas arrivé un accident, fait le pére sarcastique, lorsque Tit Toine tourne dans la cour de l’hôtel.

Tit Toine était en maudit. On entre dans le bar par la porte d’en arrière.

— Ben, j’paie un flacon de gin, annonce le pére qui avait gagné.

Omer Moreau apporte le flacon et les cent piasses d’enjeu. Il les remet au pére. Lui, il compte les billets, prend ane piasse, la donne à Tit Toine en disant : « Tiens, tu t’achèteras un bon fouet », et met le rouleau d’argent dans sa poche. Ben, ça valait cent piasses pour voir la figure de Tit Toine quand le pére lui a dit ça. Vous savez, il était sciant le pére. Alors, on a vidé le flacon et Tit Toine est retourné chez lui ben saoul.

Par la vitre, les auditeurs regardaient le vieux dans son cercueil. Il avait dans sa vieille et maigre figure ridée, une expression sardonique.

— Ben, on va prendre un coup, annonça le vétérinaire après avoir terminé son récit.

Et Ernest sortit et revint avec un gros flacon de gin et un plateau chargé de verres. Il passa la bouteille à la ronde et chacun se servit.

— Ben, moé j’oublierai jamais la fois qu’un américain était v’nu au village pour acheter des chevaux, raconta Zotique Dupont, le meunier, dans le temps que le pére avait son p’tit noir Mohican, le p’tit noir qui avait gagné les 2.30 aux courses de Richmond. Bon, m’sieu Verrouche apprend que le yankee était ici. C’était en janvier. Il s’en vient au village, à l’hôtel. En arrivant, il s’en va